
Marché de l’emploi : renforcer l’attractivité des métiers du MCO-A dans un contexte caractérisé par une offre inédite (I de IV)
25 mars 2025 - Par Murielle Delaporte – Temps forts du cinquième panel du cycle de conférences AD2S intitulé « Le défi de l’emploi et du maintien des compétences dans le MCO Aéro »
Animé par Madame Alina Surubaru, responsable du programme de recherche au Centre Émile Durkheim de science politique et sociologie, CNRS, Sciences Po Bordeaux, Université de Bordeaux, ce panel réunissait les intervenants suivants (dans l’ordre de leur prise de parole) :
• le général de brigade aérienne Frédérick Devanlay, directeur Recrutement et Réserve Jeunesse au sein de la DRHAAE (Direction des ressources humaines de l’armée de l'Air et de l'Espace) ;
• Monsieur Philippe Dujaric, directeur des affaires sociales et de la formation au sein du GIFAS (Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales) ;
• Madame Prudence M’Bumu, directrice de l’agence France Travail de Mérignac. Travail ;
• le général de brigade aérienne Philippe Locatelli, commandant la Brigade aérienne technique et logistique (BATL) au sein de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) ;
• Madame Emmanuelle Roux, responsable développement des ressources humaines chez Dassault Aviation ;
• Monsieur Gilles Fonblanc, président du BAAS (Bordeaux Aquitaine Aéronautique et Spatial) ;
• Monsieur Jérôme Darsouze, directeur général du projet Tarmaq à la Cité des savoirs aéronautiques et spatiaux.
Ce panel intitulé « Le défi de l’emploi et du maintien des compétences dans le MCO Aéro » s’est inscrit dans une journée entièrement dédiée à la dimension humaine après avoir abordé la question du MCO aéronautique sous les angles stratégique, opérationnel et économique au cours de ces trois jours de conférences dédiées. Une journée au cours de laquelle les jeunes étaient accueillis « non pas selon un format journée porte ouverte », mais selon des critères de sélection précis permettant aux jeunes ainsi ciblés « de venir sur le site de l’AD2S pour découvrir les métiers civils et militaires » existant dans ce domaine (1).
Madame Surubaru a tout d’abord souligné qu’en plus de la technologie, « il faut, pour faire voler les avions, évidemment des compétences – donc des personnes compétentes qui s’investissent au quotidien - », avant de présenter les sept panélistes issus de l’AAE, du monde industriel et de France Travail et chargés ce jour-là de « nous aider à comprendre comment la question des compétences se pose aujourd’hui dans le secteur aéronautique en général et dans le secteur aéronautique militaire en particulier ».
Ce panel s’est articulé autour de différentes séquences thématiques définies par la modératrice - « diagnostic du marché du travail ; comment attirer les compétences dans ce secteur ; les modalités de recrutement et de formation ; les innovations en ce domaine ; la gestion de carrière et fidélisation » -, que nous vous proposons de découvrir en au travers de deux axes :
1. Le diagnostic du marché de l’emploi dans le secteur aéronautique tant civil que militaire au niveau national et au niveau régional ;
2. Les solutions préconisées pour accroître l’attractivité de ces métiers au niveau BAC Pro / BAC + 2 et anticiper la double conjonction d’ici dix ans d’une diminution du nombre de jeunes Français d’une part, du départ à la retraite massif d’une partie des effectifs dans ce domaine d’autre part.
Cet article est publié en quatre parties. Voici la première partie.
1. Un marché du travail caractérisé par une offre excédant largement la demande
Aéronautique militaire : un ciblage spécifique constituant un défi en soi
Le général Devanlay a commencé par dresser le paysage des besoins en ressources humaines de l’armée de l’Air et de l’Espace, en en soulignant la particularité, à savoir la nécessité de recruter une population jeune - « une population d’une classe d’âge apte à servir en tant que militaire (…), donc apte à porter un uniforme et accepter les contraintes allant avec le statut de militaire ».
En 2024, les besoins globaux (toutes spécialités confondues) de l’AAE se chiffraient à environ 4 000 jeunes, dont 355 officiers, un défi en lui-même par rapport aux industriels qui peuvent recruter dans d’autres catégories de population en termes de tranches d’âge et d’aptitudes.
Le second défi identifié par le DRHAAE concerne la difficulté à faire passer le message que l’AAE, ce sont certes des avions, mais pas uniquement des pilotes : « si nous n’avons pas de difficulté à recruter des pilotes, nous avons en revanche toujours autant de mal à faire comprendre qu’il existe un large panel d’activités comprenant d’autres métiers et d’autres spécialités ». Une offre donc très large allant du niveau Troisième à BAC + 8…
Le troisième défi est de rendre attractif le métier de mécanicien, ce terme, utilisé traditionnellement dans l’armée de l’Air et de l’Espace, pouvant être mal compris ou être réducteur alors qu’on parle ici d’experts de haut niveau. Il est donc essentiel de valoriser cette appellation dans la société actuelle surtout parmi les parents des éventuelles recrues. Les besoins de l’AAE en mécaniciens tournent autour de 400 personnes, sans compter le recrutement de l’EETAAE (Ecole d’enseignement technique de l’AAE située sur la base aérienne 722 à Saintes (2)), dont les deux tiers des promotions annuelles de 300 élèves s’orientent vers les métiers de la maintenance aéronautique.
Le général Locatelli, commandant la BATL au sein du Commandement territorial de l’armée de l’Air et de l’Espace (CTAAE) sur la base de Bordeaux-Mérignac, a confirmé ces tendances en dressant la cartographie du marché MCO-A au sein de l’AAE. Il a, en un premier temps, souligné le fait qu’un quart des effectifs de l’AAE était consacré au maintien en condition opérationnelle, c’est-à-dire à « l’ensemble des actions nécessaires pour le maintien dans la durée des performances des systèmes d’armes ».
Ce sont donc environ « 10 000 personnes et 20% du budget » de l’AAE qui sont dédiés au MCO-A.Sur ces 10 000 personnes, 6 000 sont des spécialistes : aéronautique bord, cellule, moteur, mais aussi armement. Ces derniers sont au nombre de 1 000 et sont en train de monter en puissance. Au-delà de ces 6 000 spécialistes, on trouve par ailleurs des spécialistes en environnement aéronautique, des pompiers, mais aussi environ 1 500 logisticiens - « dont les deux-tiers sont employés directement au niveau des unités » et assurent la bonne mise en œuvre des contrats verticalisés sur les bases aériennes -, ainsi que 1 500 SIC Aéro illustrant l’importance croissante de la partie numérique et de la transmission de l’information. Pour assurer la pérennité dans la durée de ce socle d’effectifs, l’AAE a donc « besoin de flux entrants, soit environ 800 sergents et sous-lieutenants par an. »
Il a également rappelé la complémentarité entre NSO (niveau de soutien opérationnel) – mission première de l’AAE – et NSI (niveau de soutien industriel), le premier ayant pour objectif de « créer de la disponibilité très rapidement pour pouvoir faire face aux différents scénarios d’engagement », sur le théâtre national ou en opérations et missions internationales, et le second étant « plutôt tourné vers la création de potentiel avec de l’efficience », avec une activité essentiellement métropolitaine dans des structures industrielles dédiées.
Notes
(1) Introduction du général (2S) Laurent.
(2) https://eetaa722.fr
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